Actualité Gouvernance des fonds d’investissement immobiliers : Mettre l’accent sur les «best practices»

Article rédigé par Sylvie PROIA, Directrice Associée, Unik Capital Solutions - AGEFI Luxembourg - Février 2021

La fin d’année a été riche en évolutions réglementaires pour les sociétés d’investissement. Offrant coup sur coup les recommandations de l’ESMA du 18 décembre 2020 concernant tous les aspects outsourcing et le cloud en particulier, et la Circulaire CSSF 20/758 du 7 décembre 2020, la gouvernance est au cœur des préoccupations. On y voit une volonté forte de mettre l’accent sur une gouvernance solide, en particulier pour l’oversight de l’ensemble des fonctions déléguées, en élargissant les dispositions de la Circulaire CSSF 18/698 relative aux sociétés de gestion, à l’ensemble des sociétés d’investissement. Unik Capital Solutions, spécialiste en véhicules d’investissement immobiliers professionnels, explique d’un point de vue très opérationnel ces best-practices d’un dispositif de gouvernance appliqué aux investissements immobiliers professionnels.

Ces évolutions règlementaires, certaines sociétés spécialisées en investissement immobilier de la Place les avaient anticipées. En effet, nombreux sont ceux qui se réclament d’un niveau d’excellence en matière de gouvernance, incontournable dans la gestion d’actifs immobiliers. Dans le monde des fonds d’investissements alternatifs immobiliers, l’attrait du «dérégulé» fait néanmoins toujours des adeptes. Ceci explique, depuis leur avènement en 2016 à Luxembourg, le succès des RAIF (fonds d’investissement alternatif réservé), véhicules d’investissement non réglementés et gérés par un AIFM (société de gestion de fonds d’investissement alternatif). Attractifs de par leur apparente simplicité pour le promoteur, ils sont souvent choisis lors de la structuration de véhicules d’investissement immobilier.

CACIK Fund l’un des véhicules commercialisés par UNIK CAPITAL Solutions a, en revanche, fait le choix de se transformer en SICAV-SIF, afin d’offrir aux investisseurs la double protection d’une surveillance prudentielle à deux niveaux, sur l’AIFM du fonds et le SIF (fonds d’investissement spécialisé) lui-même.

Confiance & expérience

Plus de trente ans d’expérience en investissements immobiliers professionnels démontrent qu’entourer les véhicules d’investissements de la meilleure gouvernance est toujours un choix gagnant, pour tous les acteurs de la vie du fonds. En effet, la qualité et la maîtrise des risques alimentent le cercle vertueux de la confiance. Celle des partenaires, des investisseurs en particulier, est incontournable puisque ce sont eux qui, à leur tour permettent au fonds de disposer de la liquidité nécessaire pour mener à bien sa gestion active.

Une gouvernance à 8 piliers

La règlementation en vigueur détaille la gouvernance autour d’un certain nombre de principes directeurs. Concrètement, comment s’articulent les huit piliers de ce dispositif solide de gouvernance interne ?

L’intégrité est le premier pilier. Il couvre à la fois une saine gestion des conflits d’intérêts, quels qu’ils soient, et la dimension sécurité des processus et des investissements. C’est là que le choix d’une structuration en SICAV-SIF, sous la gestion d’un AIFM spécialisé dans les fonds d’investissements immobiliers, est déterminant. La structuration en SIF impose un agrément du fonds par la CSSF. De plus, le reporting réglementaire périodique (qui n’existe pas dans le cadre d’un RAIF) renforce cette surveillance prudentielle, dans l’intérêt des investisseurs. L’AIFM, garant de la gouvernance du fonds, réfute ou valide les propositions du conseiller en investissements après une étude indépendante et minutieuse de chaque aspect du dossier. Le savoir-faire, l’expérience et l’impartialité des experts de l’AIFM sont autant d’atouts majeurs pour le fonds, pour la gestion des risques et pour celle des investissements, tout au long du cycle de vie du portefeuille.

Une gestion active particulièrement dynamique

Le deuxième pilier, la robustesse, est le fondement de la continuité des activités. Elle est assurée d’une part par la capacité de continuité des processus opérationnels menés par la société de gestion, le dépositaire et les fonctions administratives et comptables. D’autre part, elle dé- pend de la capacité d’adaptation des acteurs de la chaîne d’investissement. Cet aspect est particulièrement crucial dans le cas d’un fonds comme Cacik qui, à l’aube de la crise sanitaire liée au COVID-19 et du premier confinement, se trouvait dans la phase ascendante de sa période d’investissement ! On ne peut que constater à quel point la gestion active n’a jamais été aussi dynamique ! C’en est presque darwinien, cette tendance actuelle à pousser les professionnels du secteur à une adaptation sans fin à des conditions de marché mouvantes. On se rend compte ici de l’importance de disposer de profils expérimentés et visionnaires au sein de l’équipe.

Concrètement, l’impact le plus marquant de cette crise sanitaire pour les fonds d’investissement immobiliers comme Cacik se situe au niveau des délais de mise en place des crédits bancaires, liés à des contraintes d’efficience des banques dans un contexte de travail à distance. Ceci peut nécessiter de revoir massivement l’organisation de la cinématique des transactions, de solliciter un plus grand nombre d’établissements de crédit dans chaque pays cible des investissements, d’élargir les activités d’étude de projets à venir pour anticiper davantage sur les besoins en financement futurs, d’adapter la gestion de la trésorerie. L’exemple de Cacik le montre : un travail minutieux et efficace sur l’ensemble de ces aléas permet finalement de bénéficier du levier bancaire escompté et d’obtenir l’ensemble des financements dans les conditions prévues initialement.

Une attention particulière pour la valorisation et la liquidité

Ceci conduit à analyser le troisième pilier, l’efficacité, qui couvre l’ensemble de la gestion et du contrôle des risques. Le plus évident, le risque marché, est aussi celui sur lequel on s’interroge en premier lieu lors de tout épisode de crise. Le présent épisode sanitaire ne fait pas exception. Le choix d’une structure SIF apporte, de ce point de vue, une garantie complémentaire à l’investisseur puisqu’à la différence du RAIF, le SIF impose des règles de diversification des actifs, cruciales dans le cadre de la gestion du risque de marché. De plus, le dispositif de contrôle mis en place autour de la structure pour le couvrir peut inclure le recours à des fournisseurs de calculs de risques spécialisés dans le domaine immobilier, pour accompagner, dans une complémentarité optimale, les contrôles mis en place par l’AIFM.

En outre, parmi l’ensemble des risques couverts au sein du dispositif de contrôle et de gouvernance, nous voudrions mettre l’accent sur deux d’entre eux, sans doute les plus mis à mal dans un contexte de crise sanitaire. Il s’agit du risque de valorisation et du risque de liquidité. Pour le premier, une gouvernance sereine nécessite le recours systématique à des valorisateurs externes, non seulement pour effectuer les évaluations périodiques du portefeuille, mais aussi en amont de toute transaction d’acquisition ou de cession. Le choix d’un partenaire valorisateur externe indépendant est crucial.

Pour un fonds d’investissement tourné vers une diversification géographique et sectorielle des actifs, il est en premier lieu important de sélectionner un cabinet d’expertise de renommée internationale plutôt qu’un indépendant local. De plus, au-delà de l’incontournable certification MRICS (Royal Institution of Chartered Surveyors – Chartered Member), son expérience démontrée sur les marchés concernés, sa solidité financière pour as- sumer le risque financier, dans l’éventualité d’une mise en cause de leur responsabilité au regard de leurs évaluations professionnelles, forment les éléments indispensables de ce dispositif de gestion du risque de valorisation.

Le risque de liquidité, quant à lui, est moindre s’agissant de fonds en période d’investissement. Pour peu qu’un cous- sin de trésorerie résiduelle soit maintenu par une gestion méticuleuse, le passif n’est impacté que positivement, par la collecte auprès des investisseurs. Là encore, «La confiance est le ciment invisible qui conduit une équipe à gagner» (Bud Wilkinson). La distanciation sociale n’a pas empêché la proximité dans les échanges, entretenant le dynamisme des souscriptions et des investissements. Ainsi, malgré des réunions préparatoires contraintes à se dérouler à distance et en visio-conférence, la confiance des institutionnels est au rendez-vous. La réserve de dry powder(1) le permettant, les objectifs de collecte ont été remplis.

Enfin, concernant l’actif, un fonds immobilier comme Cacik, dont la politique consiste à investir dans des secteurs recherchés pour leur résilience démontrée y compris dans un contexte de crise, peut escompter des conditions de reventes à terme intéressantes. Là encore, autant l’expertise des gestionnaires de l’AIFM qui analysent et décident de la concrétisation des projets proposés par l’investment advisor, que les experts externes tels que spécialistes en Risk Management et valorisateurs externes, jouent un rôle prépondérant dans l’efficacité de la gouvernance du fonds.

Cohérence, exhaustivité et adéquation

On peut dès lors parler de cohérence du dispositif de gouvernance, puisqu’elle forme un tout, ainsi que d’exhaustivité, qui sont les piliers 4 et 5 de l’analyse. En effet, l’ensemble des risques sont couverts par ce collège d’acteurs de la vie du fonds qui apportent leur expertise et n’hésitent jamais à challenger les éventuelles zones de risque. C’est cette vigilance permanente qui compose l’exhaustivité du dispositif de contrôle interne. Chaque élément du dispositif est calibré précisément pour couvrir les spécificités du véhicule d’investissement immobilier, ses caractéristiques et ses besoins en fonction de son cycle de vie. Cette adéquation, sixième pilier, est mise en place et adaptée, en mode agile, au contexte de marché mouvant. Ceci, seule le permet une excellente coordination entre le conseiller en investissement, l’AIFM, le dépositaire, le third-party marketer qui anime le réseau de distribution, et les experts en valorisation et contrôle des risques.

Répartition des rôles

On le voit, les six piliers exposés précédemment ne peuvent s’articuler qu’autour d’une définition précise des rôles et des responsabilités des différents acteurs. Le contexte légal et réglementaire fournit des pistes de réflexion et des recommandations. Il appartient au fonds de les mettre en place, en fonction de ses caractéristiques précises, et dans le meilleur intérêt des investisseurs. Cette transparence est le septième pilier de la gouvernance. Une illustration tout à fait explicite de cette répartition des rôles s’applique aux dirigeants du fonds, au nombre de trois imposés dans une structure SIF (à la différence du FIAR, qui autorise la nomination de deux personnes seulement). Le SIF respecte les contraintes d’incompatibilité des fonctions décrites par la Loi et les Circulaires. Ainsi, le dirigeant de Cacik Fund en charge des activités d’audit interne n’intervient pas dans la gestion des investissements, ni dans la gestion des risques et la compliance. Ceci garantit l’indépendance entre la troisième ligne de défense opérationnelle, l’audit interne, et les deux autres lignes de défenses, unités opérationnelles et fonctions de support, respectivement. Cette transparence des rôles et des acteurs est un élément incontournable d’une saine gestion des conflits d’intérêts, telle que décrite dans le premier pilier.


Enfin, tout dispositif solide de gouvernance interne se doit d’être agile, de s’adapter à la fois aux conditions de marché mouvantes par une veille de marché permanente et une écoute des investisseurs et partenaires, mais aussi par une veille réglementaire attentive. C’est ainsi que le dernier pilier, qui stabilise l’ensemble de l’édifice, est consolidé, celui de la conformité légale et réglementaire.

Confiance et transparence au cœur du dispositif

Le contexte sanitaire actuel lié au COVID-19 a agi comme un stress test grandeur nature sur les dispositifs de gouvernance des fonds et des sociétés d’investissements. Les régulateurs Européen et Luxembourgeois, dans le même temps, se sont appliqués à uniformiser les exigences d’un dispositif de gouvernance solide pour l’ensemble des acteurs du monde des investissements. Plus que jamais, on constate que mettre en application, d’une manière systématique, les principes de cette gouvernance nourrit un cercle vertueux qui profite à tous.


Confiance et transparence sont, plus que jamais, au cœur des investissements immobiliers professionnels. Au delà des contraintes règlementaires, les sociétés d’investissements qui tireront leur épingle du jeu seront celles qui auront su à la fois renforcer cette confiance des investisseurs et s’appuyer sur l’ensemble harmonieux et interconnecté des acteurs de la gouvernance du fonds pour une gestion des risques et des investissements optimisées. Nous en avons fait l’expérience avec succès : dans un contexte de distanciation sociale, bâtir un tout solide et résilient en s’appuyant sur l’humain et les talents de chacun, constitue un facteur clé de différentiation. Sans aucun doute, l’industrie ressortira grandie et renforcée de cette expérience enrichissante du début de la décennie.


1) Le ‘dry powder’ est l’expression qui représente la différence positive entre le niveau des fonds engagés par les investisseurs et les fonds effectivement investis, c’est-à- dire la réserve de financement disponible pour être investie en cas de besoin ou d’opportunité attractive